vendredi 15 janvier 2010

I- REFORME & REBELLION: Introduction

         Un soleil matinal se leva (car quand il est crépusculaire, il se couche…) sur la fameuse forêt des Deux-Dents, la forêt domaniale des lapins du monde entier. La lumière était blafarde, et la rosée n’avait pas encore eu le temps de sécher au centre-forêt (dans une ville, on parle bien de centre-ville… et ici, il s’agit d’une forêt !), les fleurs n’étaient pas encore sorties de leur drap de corolle, et les oiseaux faisaient « piou ! piou ! », mais c’était parce qu’ils parlaient en dormant. Ils rêvaient encore. La lune s’accrochait encore désespérément à des lambeaux d’obscurité, et les étoiles étaient soufflées une à une par le vent du jour naissant… Tout semblait bien paisible en ce petit matin.

Et pourtant, au centre-forêt, dans le Terrier de Forêt (mais si ! comme un Hôtel de Ville, voyons !…), le Grand Lapin, chef des lapins, était déjà éveillé, et surexcité ! Il répétait son discours d’investiture à sa nouvelle fonction de Grand Lapin, et si vous ne comprenez pas ce que cela veut dire, ne vous inquiétez pas, moi non plus… Demandez à vos parents ! Bref, il répétait son discours, car aujourd’hui était un grand jour pour lui et le monde des lapins : on allait mettre en œuvre sa Grande Réforme, qui permettrait d’améliorer le quotidien de ses concitoyens. Les réformes, ça veut dire changer les lois pour que tout le monde se sente mieux… c’est du moins ce que l’on veut nous faire croire ! Parce que si c’était vraiment vrai, tout le monde ferait tout le temps des réformes et tout le monde serait tout le temps heureux !… Or, nous le savons bien, nous ne sommes pas tous les jours heureux, c’est comme ça… C’est la vie, et on ne peut réformer la vie.

Mais le Grand Lapin, en ce beau matin qui s’éveillait, y croyait vraiment, lui, au bonheur de son peuple, et c’est pour cela qu’il avait écrit plein de nouvelles lois qu’il allait présenter dans son discours ! Alors, le Grand Lapin travaillait, et travaillait encore, et il répétait son discours, le répétait, le répétait, et le répétait encore…

Le soleil avait déjà coloré de bleu le ciel de ses jaunes pinceaux, que le Grand Lapin répétait encore ! La forêt des Deux-Dents était maintenant éclatante de couleurs et de vie, de rumeurs et de bruits, de clameurs et de cris, les belles fleurs s’étiraient, les oiseaux éveillés chantaient et piou-pioutaient de bonheur d’avoir fait de beaux rêves, et les libellules dans le ciel avaient pris la place des étoiles. Les jeunes lapins s’ébattaient dans l’herbe grasse, avec les coccinelles qui voletaient autour de leurs oreilles. Il n’allait pas pleuvoir. Mais les lapins adultes, eux, arboraient une mine beaucoup plus sérieuse et stressée : aujourd’hui, le Grand Lapin allait leur présenter sa réforme ! Et ça, c’était un événement dans la forêt des Deux-Dents !

La matinée se passa, trop rapidement pour les plus jeunes, beaucoup trop lentement pour les grands… Le temps s’égrenait au fil des feuilles tombant d’arbres trop vieux, et au fil des cris d’enfants trop jeunes… L’eau du ruisseau venait mordre le rivage, et se sauvait ensuite, incessamment… Le vent poussait le soleil plus haut dans le ciel… Soudain, une escadrille de coucous plana au-dessus de la forêt en criant : « Il est 11h00 ! Il est 11h00 ! Il est 11h00 ! », et  ce fût l’effervescence ! Tous les lapins, adultes et enfants, se précipitèrent vers le Terrier des Fêtes, le plus grand terrier de la forêt.

Dans le terrier, quel brouhaha ! Les lapins se posaient entre eux les questions qui les rongeaient, se confiaient leurs inquiétudes et attentes, énuméraient leurs espoirs, débattaient tandis que les lapereaux se débattaient parmi la foule pour ne pas se faire écraser… Certains d’entre eux pleuraient, d’autres riaient, d’autres criaient, tout le monde était bien énervé ! Le bruit dans le terrier avait atteint une telle intensité que les longues oreilles de chacun commençaient à s’échauffer !… et les oreilles de lapin, quand elles sont échauffées, elles se ramollissent, deviennent toutes raplapla, et c’est totalement inesthétique : ça balotte comme des pleurotes, et ça pendouille comme des nouilles… Mais cessons là ces considérations auriculaires, et revenons à notre gibier… pardon, à nos amis, je veux dire. Le tumulte des voix de lapins était si élevé que, lorsque soudainement le silence se fit, certains pensèrent être devenus subitement sourds ! Le silence avait terrassé le bruit en un instant : le Grand Lapin venait d’apparaître sur le podium en paille du Terrier des Fêtes !
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1 commentaire:

Unknown a dit…

un petit air de gotlib tout cela, j'aime bien !