vendredi 15 janvier 2010

II- REFORME & REBELLION: Le discours du Grand Lapin, état des lieux

« Par Beuzbeuny et ses Grandes Oreilles, je déclare qu’on va pouvoir commencer ! », dit-il.
            C’était la phrase rituelle des débuts de réunions lapinesques, et l’autorisation pour chacun de s’asseoir et de déployer ses oreilles ramollies. Tout le monde, même le plus turbulent des lapereaux, attendait d’écouter ce que leur chef avait à dire… Celui-ci profita encore quelques instants de ce calme parfait avant d’entamer son discours qui, il le savait, serait explosif. Un lapereau éternua, ce fût le signal : le Grand Lapin s’empara du micro-carotte et, ployant les oreilles tels les genoux d’un rocker, il se lança fébrilement dans un discours à faire pâlir d’envie les artistes de one-rabbit-show, tellement que c’était vachement bien… je veux dire : lapinement bien !
            Ce discours, qui devait par la suite entrer dans l’Histoire des lapins comme étant LE discours réformateur par excellence, je me dois d’essayer de vous le traduire ici de la manière la plus fidèle possible… Vous m’excuserez pour l’inexactitude de certaines subtilités sémantiques de la langue des lapins, mais il faut avouer que je ne suis pas un traducteur habilité en Lapinais… Voici donc le discours que tînt, ce jour-là, le Grand Lapin :

« Mes lapins, au jour d’aujourd’hui, les carottes sont cuites !!! Une nouvelle ère va bientôt commencer, une ère pure où notre peuple pourra jouir, enfin, de sa liberté !… Car aujourd’hui, je vous le demande, mes frères, sommes-nous vraiment libres ? La réponse est cruelle mais exacte : non ! Non, nous ne sommes pas libres ! Et, ici, nous connaissons tous l’identité de ceux qui nous empêchent de jouir de nos pleins droits : ce sont les Tête-en-l’air ! »

            La foule moustachue hua copieusement à l’annonce du nom de leurs ennemis ! Les Tête-en-l’air (traduction approximative pour « humains », en langue lapine) leurs faisaient du mal depuis bien trop longtemps ! Satisfait de son entame, le Grand Lapin continua :

« Oui, les Tête-en-l’air… Que nous apportent-t-ils véritablement, ces Deux-Pieds perchés, ces Géants-Nus, ces Sans-Dent, ces Petites-Oreilles, ces Mauvais-Bondisseurs, hein, que nous apportent-t-ils ?… »

            Personne n’avait de réponse à cette question…

« Haha ! Vous ne le savez pas, hein ? Je vais vous le dire, moi, ce qu’ils nous apportent : rien ! Rien, rien de rien de rien du tout ! No figue !… et au contraire, même ! Si encore ils se bornaient à n’être rien pour nous que des réverbères vivants inoffensifs, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes, mais non non non ! Ce sont aussi des empêcheurs-de-vivre-bien ! Nous vivons incessamment dans la crainte ! Faut-il vous rappeler ce que nous font ces bipèdes assoiffés de puissance et d’asservissement ? »

            Silence. Ils ne le savaient que trop bien, et savaient également que le discours du Grand Lapin le leur rappellerait…

« Vous ne vous en souvenez pas ? Laissez-moi rafraîchir votre mémoire de lapins :
            Les Tête-en-l’air se moquent de nos grandes et belles dents de devant !
            Les Tête-en-l’air se moquent de nos magnifiques oreilles, mais surtout, s’en servent comme de poignées de sachet pour nous attraper, et si ce n’est pas pour nous sortir d’un chapeau, c’est pour nous manger avec des pruneaux !
            Les Tête-en-l’air nous coupent nos jolies pattes pour en faire des porte-bonheur, mais il faudrait tout de même penser à nous, car, sans patte, nous n’avons même plus de quoi porter notre malheur !
            Les Tête-en-l’air se cousent de beaux vêtements avec notre pelage pour avoir moins froid l’hiver, mais du coup [du lapin… NDLA], c’est nous qui avons froid, et ça, ça n’est pas juste !
            Les Tête-en-l’air nous volent nos enfants pour les donner aux leurs, et leurs enfants ne sont pas tendres : ils oublient de les nourrir et de changer leur literie [note du traducteur : j’ai failli écrire « litière »… houps !], quand ils ne les blessent pas en jouant à « zaccident-avec-la-tuture » !
            Les Tête-en-l’air nous aveuglent la nuit avec de grands soleils pour mieux pouvoir nous écraser avec leurs terribles engins de déplacement !
            Enfin, et c’est le pire, ils nous parquent dans des caisses grillagées pour nous laisser nous y reproduire d’ennui ! Et cela, pour nous manger ensuite ! Et je ne parle pas des terrifiants Tête-en-l’air habillés de kaki qui nous poursuivent jusque chez nous avec leurs tuyaux de feu, et qui le plus souvent laissent nos dépouilles sécher au soleil ou moisir sous la pluie !
            Par les oreilles de Beuzbeuny, il faut que cela cesse ! »
Wikio

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